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Créer du discernement pour s'ouvrir aux autres et avancer ensemble
21 septembre 2008

Shrek

Je pensais faire quelques lignes sur la nourriture coréenne, ses effets sur les papilles, l'énergie, le tour de taille… On va attendre un peu parce qu'il y a des émotions qui doivent être partagées tout de suite. Ce matin dimanche je suis retourné courir du côté de ma tour préférée, sans me perdre. Pas folle la guêpe, je suis parti dans le sens inverse de la dernière fois ! Après le déluge d'hier qui au passage n'a quasiment pas fait baisser la température, toujours dans les 30°C, la qualité de l'air du parc Namsan, dans Séoul la polluée confinait (pour de l'air, le mot n'est pas très heureux) à celle de l'air de montagne en milieu de matinée, quand l'air s'est déjà un peu réchauffé à un soleil encore bas, mais reste légèrement humide. Un régal. J'avais décidé de ne pas ouvrir la bouche pendant ma course. Dès le haut de la première montée, j'aspirais cet air à grandes goulées. De pleins cars de visiteurs de la dite tour à qui on remet un certificat de visite (je n'explique pas autrement la délivrance d'une carte à tout péquin qui s'arrête devant des tables pliantes disséminées le long du parcours) et qu'on sollicite pour des œuvres caritatives installées de la même façon. Prise de connaissance avec la soldatesque du cru. A mi-pente d'un chemin dont j'attendais un peu de diversité, une seule petite phrase, incompréhensible pour moi, proférée par une bouche invisible, mais dont le ton m'a vite incité à faire demi-tour même que c'était tant mieux parce qu'au moins, dans l'autres sens, ça descendait. Tu parles d'émotions… Non. Le jogging, c'est la préparation de ce qui va suivre. Avec, sur la fin, une légère pincée d'inquiétude. Parce hier soir, incité par l'exemple de Mary, j'ai pris rendez-vous avec Shrek. Que sur le moment j'ai trouvé ça sympa et qu'à la réflexion j'ai quand même eu un peu la trouille. La première fois que Béa et Mary ont eu affaire à Shrek, elles ont eu l'impression qu'elle les prenait toutes les deux par le col et, sans effort apparent, les faisait entrer dans sa boutique sans plus de contact avec le sol. Avant de leur offrir le thé ! Shrek, elle est masseuse de son état. Immense. Elle se baisse pour passer sous les portes et n'a jamais dû se redresser complètement depuis sa quinzième année. Les ventilateurs qui pendent au plafond de la salle de massage sont installés dans des niches, creusées j'en suis sûr uniquement pour lui éviter un raccourcissement inopiné. Elle n'est pas particulièrement épaisse, elle est même plutôt mince, mais ses biceps font le double des miens. Deux mètres, quatre-vingt kilos peut-être. Un deuxième ligne ! Et, fou que je suis, j'ai pris le complet ! Pieds et épaules, non mais qu'est-ce que vous croyez ? Et j'ai le gros orteil sensible. Très sensible. Très très sensible. Les deux. Surtout après plus d'une heure de jogging. Là, je n'ai pas eu raison. Je sens que mon goût persévérant pour les faces nord en hiver va me faire souffrir inutilement. C'est réservé, il faut y aller. Et puis, après tout, il y a d'autres masseuses. Et peut-être des masseurs. Il n'est donc pas écrit que ce sera Shrek... C'était bien sûr couru d'avance, il n'y avait pas besoin de comparer bien longtemps le gabarit de Mary et le mien pour deviner que je n'allais pas être massé par cette petite dame menue à l'air gentil qui disparaît toute entière derrière Shrek à notre arrivée ! Ce n'est pas qu'elle ait l'air méchant, non. Elle sourit même beaucoup, mais d'un sourire qu'on imagine bien sur la face de l'ogre quand il a fait entrer qui vous savez au château. Je me retrouve donc très vite en jogging gris à manches et jambes courtes ; très seyant ; d'abord quelques minutes à côté de Mary, dans le même accoutrement, dans un canapé, les pieds dans un baquet d'eau très chaude plus ou moins additionnée de quelque chose qui sent bon, verre de rhum du condamné ; puis… entre les mains de Shrek. Au tout début, elle m'essuie les pieds, très délicatement, me pose une question que je ne comprends pas et m'enfonce un doigt entre le tibia et le mollet, chose que je ne croyais pas possible mais qui s'avère extrèmement douloureuse. Je hurle, elle arrête, sourit encore. Et m'embarque. Je suis sur le dos, elle masse pieds et jambes, avec plein d'huile, je n'ai jamais eu aussi peu mal à mes gros orteils… Bon, bien sûr, tous les masseurs vous le diront, un massage qui ne provoque pas de réaction, ce n'est pas un vrai massage. Et puis tous mes soupirs, toutes mes grimaces et petites crispations sont validées instantanément par l'impressionnant sourire empathique de Shrek. Auquel je réponds par des tentatives de sourire, pas crispé du tout, sensées dire que tout va bien et qu'elle peut continuer comme ça. Soit, mais l'ogre a bien commencé par nourrir le petit Poucet et ses frangins… J'aperçois le masseur qui s'occupe du client d'à côté se mettre à califourchon sur lui et commencer à lui flatter le postérieur de ses genoux. Il est menu et le client costaud. L'équivalent avec Shrek me terrorise. Pourtant, c'était peu de choses par rapport à ce qui allait suivre. J'ai eu droit à toute la panoplie. Shrek Je ne dis pas que je n'ai pas eu d'appréhension, à certains moments toujours soulignés de ce fichu sourire désarmant ; du genre double clé aux bras avec un genou dans le dos. Je ne dis pas qu'il n'y a eu aucun contact douloureux, quand un "sorry" s'ajoutais au fameux sourire. Mais l'impression que j'en garde, tant ses manipulations étaient délicates, est celle d'un enfant fragile confié à un deuxième ligne femelle. Inoubliable. J'y retourne dimanche prochain !
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